Une démarche artistique sociale : études et pratiques

Le processus et la forme de mon travail artistique est déterminé par l’environnement social dans lequel il se déploie. Qu’il s’agisse d’un travail pictural (croquis, peinture, sérigraphie), éditorial ou plastique, ma démarche implique un territoire, un espace social, des rencontres, des histoires, une réalité sociale partagée. Le dispositif de création artistique suscite une participation à différents degrés selon les circonstances. Il est conçu pour recevoir et traduire les routines qui construisent la réalité sociale et contribuent au sens commun. En effet, l’utilisation de l’espace, les usages quotidiens du langage, les pratiques culturelles, culinaires, ou encore les comportements sociaux dans la rue, l’entreprise, l’école ou la famille sont les témoins d’un réel décrits par tous.

Le contenu de l’œuvre qui en découle s’articule autour des processus sociaux et des compétences pratiques de chaque individu. L’expérience particulière des interactions sociales façonne les identités, de la même façon que se construisent l’ordre social, ses normes, ses représentations, sa hiérarchie, etc. Je tente donc de saisir les mêmes éléments que ceux qui déterminent l’environnement social.

La place de l’art se situe à deux niveaux. D’une part, elle se trouve dans l’interprétation plastique et son esthétique, d’autre part, elle résulte de la nouvelle situation créée dans les interstices des routines de la vie quotidienne. Dans cette configuration, la présence et l’activité artistique génère du lien, des interrogations, des débats. Elle révèle les éléments invisibles de la structure sociale. En ce sens, l’art agit comme un objet de perturbation qui ouvre une brèche sur la toile intersubjective.

Ainsi, l’expérience des « pratiques artistiques sociales » que je défends positionne l’art dans l’espace du débat public par le biais des représentations collectives mises en évidence. Elle montre les multiples interprétations possibles dans le cadre d’une culture de la différence et de l’imprévisible. Je souhaite ainsi ouvrir l’espace d’un entre-deux de la singularité contre le nivellement de l’individu. Les « pratiques artistiques sociales » s’inscrivent dans une démarche militante de l’artiste et postulent l’art comme outil d’action sociale.

Romain Louvel, 2011

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