À propos de « L’Exposition »

Dimanche J mai 2012 | Pas de commentaires

Pourquoi une exposition ?

L’exposition de la collection est une idée qui a vu le jour dès le début des réflexions pour le projet Expéditions, dans un souci premier de mise en discussion de son contenu (productions d’objets, expérience sociale), avec l’équipe des explorateurs, avec les acteurs du projet, les personnes rencontrées, etc. Elle s’ajoute aux dispositifs de collecte des déterminants sociaux et culturels orchestrés par les artistes et les chercheurs, et aux activités quotidiennes de la pédagogie sociale du GRPAS pour l’implication des enfants et de leur famille.

Design par L’Atelier du Bourg, 2012

Nous, les explorateurs, constituons une collection en partant à la (re)découverte de territoires urbains. Les aspects de la vie sociale choisis par les explorateurs ne sont pas observés pour aboutir à une description systématique de ces territoires, mais dans une cocasse inclinaison à éclairer les secrets que dissimule l’enveloppe familière de notre quotidien. Cette exploration, de type « conquête » ethnographique, est le point de départ « ironique » d’un regard porté, par renversement, sur notre propre société. Les résultats de cette étude forment une collection prévue pour être exposée dans un ou plusieurs musées, tels que des lieux spécialisés dans l’étude et la conservation des pratiques, des cultures et des traditions, comme le quai Branly, les écomusées, les musées ethnographiques ou les centres d’art contemporain qui s’inscrivent aussi dans cette histoire de la muséographie. La collection rassemble des objets, des outils, des ateliers de démonstrations, des vidéos, des enregistrements sonores, des écrits, des maquettes, etc.

La participation de La Criée, en tant que centre d’art contemporain de la ville de Rennes, a fait évoluer l’impératif de l’exposition. D’abord perçue comme une proposition formelle, l’idée d’installer l’exposition à La Criée s’est imposée, étant un lieu dédié. Mais à mon sens, c’est une erreur de concevoir cette exposition comme une simple rétrospective du projet « Expéditions ». Il faut par-dessus tout se servir de cette opportunité pour, d’une part, mettre en scène les pratiques de la médiation culturelle exercée dans le cadre des expositions d’art contemporain, et d’autre part, pour réinvestir les techniques et les principes de muséification. Cet axe doit s’inscrire dans la perspective critique plus globale de la façon dont les institutions scientifiques et culturelles nous parlent et instrumentalisent la réalité au profit du discours qu’elles mettent en œuvre. Le dispositif d’exposition pourrait alors avoir comme fins d’interroger le rôle implicite que jouent les musées et les centres d’art dans le jeu du pouvoir symbolique de la représentation de la culture, qu’il s’agisse d’arts, de sciences, de traditions, de connaissances ou de savoir-faire. La meilleure façon d’établir cette critique est de suivre le chemin qui conduit de l’observation à l’exposition de notre réalité sociale, en réutilisant et en détournant les méthodes des sciences humaines, en particulier l’art, la sociologie, l’ethnologie et l’anthropologie.

L’exercice peut paraître simple si l’on se réfère aux anciennes expositions coloniales. Plus difficile est le recul qu’il faut observer face à notre époque, car nous y participons tous, y compris dans nos critiques, tant nous savons que la subversion est une composante essentielle du spectacle et que la critique institutionnelle est désormais institutionnalisée. Quels discours, quelles valeurs, quelles idéologies se trament derrière les pratiques d’un artiste dans l’espace social, derrière le regard scientifique d’un sociologue, derrière l’activité d’un pédagogue de rue, derrière la médiation culturelle ? Quelles finalités recouvrent nos efforts heuristiques, artistiques et pédagogiques ? Si les expositions coloniales et les musées ethnographiques affirment une certaine supériorité symbolique en définissant les cultures exposées en soubassement à la culture de l’exposant, comment pourrions-nous alors échapper à ce fait culturel dans lequel nous avons été formés ? Et comment pourrions-nous y échapper lorsque nous exposons des œuvres d’art, des travaux scientifiques, etc. ? C’est dans cette optique, et sans faux-semblant que l’exposition de la collection élaborée lors du projet Expéditions trouvera ses caractéristiques formelles, ses articulations logiques et ses mots.

Romain Louvel 2012

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